Le coup de tonnerre

Normalement, on avait prévu aujourd’hui un petit billet sur la visite d’hier au Laténium, principal musée ethno-archéologique de Suisse (on recommande, d’autant que la vue sur le Lac de Neuchâtel depuis le site est magnifique), mais c’était sans compter l’esprit taquin des électeurs suisses.

Hier avaient lieu trois “votations”, ces référendums récurrents visant entre autres à valider des initiatives populaires, ces textes de loi proposés par des partis et approuvés par au moins 100.000 électeurs avant d’être soumis au vote de l’ensemble des électeurs (une majorité de ceux-ci ET une majorité des cantons doivent les approuver pour qu’ils soient adoptés). Si celles sur la remise en cause du remboursement de l’avortement (rejetée) et sur la constitution d’un fonds pour le développement ferroviaire (approuvée) n’ont guère attiré l’attention, c’est que la troisième a été approuvée (à 50,3%) contre toute attente (et contre l’avis du Conseil Fédéral, de quasiment tous les partis et des organisations patronales).

Cette initiative dite “contre l’immigration de masse” oblige désormais le gouvernement a dénoncer le traité de libre circulation des personnes conclu avec l’UE en 1999, en réintégrant des quotas pour les ressortissants de ces pays (il existe toujours des quotas pour les non-ressortissants). Problème, les différents accords bilatéraux de libre circulation (personnes, biens, services et capitaux) sont liés entre eux par une clause portant le doux nom de “guillotine”. En clair, c’est tout ou rien : si l’un des accords est dénoncé, les trois autres sont également remis en cause. Autant dire que cela revient à faire table rase d’une large part de l’existant, avec une incertitude totale quant au devenir des relations entre l’UE et la Suisse.

Parmi les questions désormais soulevées :

  • à quels niveaux seront mis ces nouveaux quotas, qui vont notamment concerner (dans l’ordre) Allemands, Italiens et Français ?
  • quid des secteurs fortement tendus en main d’oeuvre, comme l’horlogerie, la restauration ou le secteur hospitalier, qui emploient très majoritairement des ressortissants communautaires, notamment français ?
  • quid du personnel communautaire non diplomatique des organisations internationales à Genève, et des missions diplomatiques à Berne ou dans d’autres villes ?
  • quid de la liberté de circulation des biens suisses, contraints dans la majeur partie des cas de passer par un pays de l’UE (55% des exportations et 75% des importations suisses étaient à destination ou en provenance de l’UE en 2013) ?
  • quid de la possibilité des entreprises suisses de participer aux marchés publics de l’UE ?

Bref, les prochains moins s’annoncent particulièrement incertains, alors même que l’UDC, le parti de droite populiste à l’origine (et seul soutien, avec les Verts du Tessin) de cette initiative a bien pris soin de ne pas mentionner ces conséquences de deuxième niveau. La répartition des votes est d’ailleurs flagrante : ont voté OUI à l’initiative essentiellement les aires géographiques (campagnes des cantons de la Suisse germanophone) peu ou pas concernés par les phénomènes d’immigration. En revanche, les grandes villes, ainsi que les cantons romands, où les effets supposés de l’immigration sur le chômage et la hausse du coût de la vie sont censés être plus importants, ont rejeté l’initiative.

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